ONG :
chronologie d'une montée en puissance
Depuis 200
ans, les ONG sont en expansion. Leur influence sur la gouvernance
internationale s'est accrue dans le courant du XXe siècle, notamment
aux débuts de la Société des nations.
1775-1918
: Emergence
L'Eglise
catholique romaine fut probablement la première organisation
non gouvernementale (ONG) internationalement active. Mais
c'est à partir de 1775 que des individus ayant des intérêts
communs ont créé des ONG orientées sur des thématiques nationales
pour influencer les prises de décisions politiques.
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Chronologiquement,
leurs premiers champs d'actions sont :
- l'abolition
de la traite des esclaves (Société de Pennsylvanie, 1775 ;
Société des amis des Noirs, 1788) ;
- le maintien
de la paix (Société américaine de la paix, 1828)
- la solidarité
ouvrière : le premier meeting international des ouvriers
se tient en 1864 (Association internationale des ouvriers) ;
- le libre-échange :
de 1838 à 1846, la Ligue de la loi anti-maïs fait campagne contre
le tarif du maïs britannique et défend la cause du libre-échange
(Association du libre-échange en France et Association pour
la liberté commerciale en Belgique, 1846).
- le droit
international : l'Association internationale de droit (1873),
par exemple, favorise la codification du droit international.
Au milieu
du XIXème siècle, les ONG reconnaissent l'importance de la coopération
internationale et deviennent des catalyseurs pour la création
de plusieurs unions publiques internationales. De nouvelles conférences
internationales voient le jour : des réunions de fonctionnaires
du gouvernement, des représentants d'ONG et d'individus qui traitent
de problèmes sociaux.
1919-1934 :
Engagement
Pendant
cette période, l'Organisation internationale du travail
(OIT) est créée avec des délégués d'ouvriers et d'employeurs.
Cela permet à certaines ONG d'obtenir un petit rôle dans
certains comités de la Société des nations[1].
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Des ONG soumettent des pétitions pour garantir les droits des minorités.
Quelques unes obtiennent des représentations officielles pour les
conférences économiques de la Société des nations. En dehors de
celle-ci, les ONG et les gouvernements travaillent parfois ensemble
pour la mise en place de nouveaux traités dont certains reconnaissent
explicitement le rôle des ONG.
Avant et pendant la Première Guerre mondiale, de nombreux groupes
privés commencent un plan pour la création d'une institution intergouvernementale
pour le maintien de la paix.
Parmi les
diverses propositions, il y a celles développées par la Ligue
de renforcement de la paix, la Ligue de la Société des nations
de Londres, et l'Union Internationale des associations. Par ailleurs,
l'Union inter-parlementaire et la Ligue de la Cour mondiale permettent
la mise en place de la Cour permanente de justice internationale.
Les différents
événements importants de cette période sont
- la conférence
de la paix de Paris ;
- la création
du Bureau international du travail ;
- les activités
de la Société des nations ;
- les activités
d'ONG extérieures à la Société des nations.
1934-1944 :
Désengagement
La
participation des ONG aux travaux de la Société des
nations se renforce jusqu'à ce que les activités de celle-ci
deviennent régulières : les fonctionnaires sont alors
moins disposés à recevoir des propositions qui dérangent
leur travail quotidien ou qui exigent du travail supplémentaire.
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Dès lors,
l'évolution des ONG est stoppée :
- l'augmentation
des hostilités de la Seconde Guerre mondiale freine leur participation ;
- il y a
déjà à cette époque un nombre important d'ONG ;
- le secrétariat
de la Société des nations est en pleine bureaucratisation.
Par ailleurs,
certaines ONG travaillent indépendamment de la Société des nations,
notamment pour la protection de la nature (8ème conférence
inter-américaine à Lima en 1938). Mais en temps de guerre, deux
épisodes témoignent de leur situation. Si en 1943, la création
de l'Administration de réhabilitation des Nations unies établit
une politique d'enrôlement d'agences volontaires d'aide (125 agences
de 20 pays différents) ; en 1944, lors de la conférence monétaire
et financière des Nations unies de Bretton Woods aucun représentant
d'ONG n'est présent.
Les groupes
privés, les ONG et les individus ne jouent qu'un rôle très limité
pour la Société des nations. Peu de nouvelles techniques pour
la participation des ONG sont développées. La Société des nations
elle-même et la coopération internationale sont affaiblies durant
la période des deux guerres.
1945-1949 :
Formalisation
A
partir de 1945, l'article 71 de la Charte des Nations unies
encourage le développement d'ONG dans certains secteurs
d'activité. Par exemple, elles influencent la rédaction
de la Charte des droits de l'homme.
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L'article
71 de la Charte des Nations unies reprend les mêmes agencements
que ceux utilisés par la Société des nations. Comme le rôle des
ONG a régressé pendant les années de guerres, cet article réaffirme
la valeur de la participation des ONG : "le Conseil
économique et social des Nations unies (Ecosoc) peut prendre des
dispositions appropriées pour la consultation avec les ONG qui
sont concernées par des sujets sur lesquels elles sont compétentes."
La participation
des ONG reprend en février 1945 lorsque des représentants des
affaires et du travail sont inclus comme "conseillers"
de la délégation américaine pour la conférence inter-américaine
sur les problèmes de guerre et de paix.
A partir
de cette expérience, l'administration du président Roosevelt désigne
42 ONG comme conseillers de la délégation américaine pour la conférence
des Nations unies sur les organisations internationales. Pendant
cette période, la Charte des Nations unies formalise le rôle des
ONG dans la gouvernante globale, notamment avec l'article 71.
Ce dernier est parfois dépeint comme étant à l'origine d'un nouveau
concept de la participation des ONG dans les prises de décisions
internationales. Mais dans les faits, il codifie simplement la
participation des ONG, et leurs perspectives ne diffèrent pas
de celles proposées par la Société des nations.
1950-1971 :
Limitation
Dans
les années 1950 et 1960, les ONG des Nations unies sont
très actives, mais de façon générale c'est une période d'échec.
Elles auraient pu participer plus encore mais elles sont
limitées par les politiques de la guerre froide et par la
faiblesse institutionnelle d'Ecosoc.
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Il semble
que les Nations unies ne considèrent pas bien le travail des ONG.
Par exemple, avant la Deuxième Guerre mondiale, le Palais Wilson
de Genève était le siège social de 200 ONG, dans l'agrès-guerre,
il devient la Maison des organisations gouvernementales internationales.
Le domaine
principal d'activité des ONG des Nations unies est alors celui
des droits de l'homme. Au début des années 50, une trentaine d'ONG
prennent part à la conférence pour la convention des réfugiés ;
en1955, Ecosoc organise une conférence pour les ONG intéressées
par l'éradication de préjudices et de discriminations ; en
2956, elles participent à la conférence des Nations unies sur
la convention supplémentaire pour l'abolition de l'esclavage.
En 1964, la Commission des droits de l'homme des Nations unies
commence à tenir compte des commentaires des ONG.
Mais au début
des années 1970, certains rapports d'ONG à la Commission mettent
des gouvernements impliqués dans l'embarra. En 1975, la Commission
demande à Ecosoc de faire en sorte que tes ONG soient plus discrètes,
elles ne sont pas autorisées à nommer les pays violateurs dans
leurs rapports à la Commission jusqu'aux années i98o. Notons cependant
que les ONG environnementales ont eu un succès notable pendant
cette période (traité sur la pollution marine, 1954). L'invention
des armes nucléaires déclenche la coopération entre scientifiques
pour la recherche d'un contrôle international de l'énergie nucléaire.
1972-1991 :
Intensification
La
participation des ONG dans la gouvernante internationale
commence à s'intensifier au début des années 1970. On assiste
alors à une croissance des ONG en nombre, en taille et en
diversité. Par l'expertise et la ténacité, elles sont capables
d'augmenter leur impact, notamment en matière d'environnement
et de droits de l'homme.
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Ecosoc et l'assemblée générale des Nations unies invitent les ONG
pour aider à la planification de conférences internationales. En
i97o,Etosocrecherchele soutien des ONG pour la prochaine conférence
sur l'environnement. Elles sont accueillies à Stockholm pour la
conférence des Nation unies sur l'homme et son milieu en 1972, à
la conférence sur la population mondiale et, à la conférence mondiale
sur l'alimentation en 1974, ainsi qu'à la conférence sur l'année
internationale de la femme en 1975.
La conférence
sur l'environnement de Stockholm est souvent perçue comme un moment
décisif pour la participation des ONG. Elle réunit 113 gouvernements
et 225 ONG accréditées. Elles sont autorisées à faire un rapport
formel de la conférence et publient un journal quotidien.
Si en 1980,
les ONG ne disposaient que d'un temps de parole de 15 minutes
(conférence des femmes des Nations unies), cette attitude change
avec les années. En 1987, elles sont autorisées à parler lors
de la session plénière de la conférence sur le protocole de Montréal
pour la protection de la couche d'ozone.
Les ONG jouent
un rôle clef pour la mise en place de traités environnementaux
(traité pour la protection des ours polaires, 1973 ; convention
des Nations unies sur la loi de la mer, 1982). Elles sont également
très actives sur les questions des droits de l'homme. Lors de
la convention des Nations unies sur les droits des enfants, les
ONG deviennent des acteurs capables de faire pression directement
sur les gouvernements.
1992 :
Prise de pouvoir
A
partir de 1992, on assiste à une participation croissante
des ONG dans la préparation des comités des Nations unies
(conférence des Nations unies sur le développement et l'environnement,
Cnuced). Les ONG ont alors une plus grande influence sur
les négociations multilatérales.
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La Cnuced
fut importante pour les ONG sur bien des points. Lors de cette
conférence, il y avait plus d'ONG (650) que de gouvernements (178).
Ces ONG sont capables de pousser les gouvernements à réaliser
des accords. Cette conférence approuve des rapports annuels importants
sur le rôle des ONG : "Le système des Nations unies
a introduit des agences de financement et de développement. Toutes
les organisations et tous les forums intergouvernementaux doivent,
en accord avec les ONG, prendre des mesures...".
Il existe
quatre raisons pour lesquelles les ONG sont plus actives dans
les prises de décisions politiques. Tout d'abord la mondialisation
de l'économie et l'identification croissante des problèmes mondiaux
conduisent à plus de négociations intergouvernementales qui affectent
les politiques domestiques. La fin de la guerre froide met un
terme à la polarisation de superpuissances dans les politiques
mondiales. L'émergence de médias mondiaux, tels que CNN International,
sont l'occasion pour les ONG de faire connaître leurs points de
vue. Enfin, la diffusion des normes démocratiques crée des espérances
quant à la transparence des organisations internationales et à
la participation publique.
[1]
La Société des nations est créée en 1920 par le traité de
Versailles pour développer la coopération entre les nations et
garantir la paix et la sécurité. La crise de l'entre-deux guerres
fait échouer sa mission. Elle sera remplacée en 1946 par l'ONU
créée l'année précédente.
Source :
Steve Charnovitz, Two centuries of participation: NGOs and International
Governance, 18. Mich. J. Int'l. L, 1997.
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